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L’été dernier, en Californie, une des régions les plus riches du globe, des black-out ont privé des centaines de milliers d’américains d’un service de première nécessité. Ce raté soulève plusieurs problématiques, dont une commune à tous réseaux électriques : la pilotabilité du réseau, c’est à dire notre capacité à faire varier la quantité d’électricité sur le réseau à un moment donné pour correspondre à la demande. Quand on parle du développement des sources d’énergie renouvelable, l’aspect non-pilotable de la plupart de ces sources ressort comme un des enjeux majeurs de leur essor. Pour pallier ce problème, la solution du stockage de l’électricité est souvent mentionnée, avec la mention d’utilisation de technologies complexes comme les batteries ou l’hydrogène (On en avait même fait un article ici !). Ces technologies reposent sur des promesses d’innovation pour être fonctionnelles et viables à grande échelle. Cependant, est rarement évoqué le système de stockage éprouvé depuis plus d’un siècle, nommé STEP.


Une step, c’est quoi ?

Acronyme de Station de Transfert d’Energie par Pompage, une STEP est une centrale hydro-électrique spécifique, capable de faire monter de l’eau d’un bassin inférieur vers un autre situé plus en altitude pour stocker son énergie potentielle.

Pour comprendre le fonctionnement de cette technologie, quelques rappels sur l’hydroélectricité s’imposent. Les centrales hydroélectriques sont des usines munies d’une turbine, que l’eau sous pression provenant d’un court d’eau fait tourner. L’énergie de la pression de l’eau se transforme en électricité grâce à un alternateur lié à cette turbine. Les centrales peuvent être de deux sortes :

  • Avec retenue. Un barrage retient ici l’eau pour former un stock et utiliser ce stock lorsque nécessaire. C’est donc une énergie pilotable.
  • Au fil de l’eau. Pas de barrage ici, une partie du courant est simplement déviée dans la centrale, en fonction du débit du cours d’eau et sans stock possible, c’est donc une énergie non-pilotable.

Les STEP font partie de la première catégorie de centrale. Leur particularité est que la turbine, la partie mécanique de la centrale qui convertit la pression de l’eau en électricité, peut devenir en quelques minutes une pompe. Aux heures de faible consommation sur le réseau, le trop plein d’électricité est utilisé afin de déplacer l’eau de son bassin inférieur vers son bassin supérieur.Cela permet de stocker l’énergie qui, autrement, aurait été perdue. À l’inverse, aux heures de forte consommation, l’eau descend du niveau supérieur vers le niveau inférieur et actionne une turbine : c’est le turbinage qui permet de produire de l’électricité (comme dans une centrale hydro classique). La capacité de stockage est déterminée par la taille des bassins, et par différence d’altitude entre les deux bassins. Plus le dénivelé est grand, plus l’énergie stockée par litre d’eau déplacée l’est aussi.

Pas de procédé industriel complexe, pas de mine de cobalt et de lithium dans les pays émergents. Avec un rendement énergétique supérieur aux autres technologies de stockage (>75% contre 25% pour l’hydrogène et 70% pour les batteries[1]), les STEP ont un potentiel réalisable énorme en Europe (14 pays étudiés[2]), 10 fois supérieur au gisement exploité en 2013. Bien que le potentiel gisement soit énorme, il n’en reste pas moins que les STEP sont dès aujourd’hui un outil majeur de stabilité du réseau. En 2020, 99,2% de la puissance de stockage installée sur le réseau Français était hydraulique[3]. L’énergie produite dans ces centrales correspond à environ 5% de toute la production hydro-électrique Française[4], et contribue à la stabilité du réseau en période de forte demande comme cet hiver.

Futur des STEP

Malgré le rôle stratégique de STEP dans la stabilité du réseau électrique, la stratégie des différents pays Européens sur ce sujet diverge.

L’Allemagne était en 2019 le pays européen le plus fourni en STEP. Cependant, avec un gisement 20 fois supérieur à son potentiel exploité[1], l’Allemagne a décidé de ne plus investir dans cette technologie, ni même dans l’hydro-électricité au sens large. Elle mise maintenant sur la croissance des batteries et de l’hydrogène comme solution de stabilité du réseau.

À l’inverse, l’Espagne qui possède un gisement 10 fois plus grand qu’en Allemagne, a choisi d’investir massivement dans les STEP. La politique d’É     tat prévoit de doubler sa puissance installée dans les 10 prochaines années, alors que ce pays est déjà le deuxième dans la liste des pays les plus producteurs d’électricité issue des STEP.

La France, elle, n’envisage pas d’augmenter sa capacité de stockage mais plutôt d’utiliser l’effacement, c’est-à-dire l’utilisation de moyens de production pilotables comme le nucléaire ou le gaz, pour maintenir un réseau stable.

Cependant cette logique n’est pas applicable aux régions qu’on appelle Zones Non-Interconnectées (ZNI), comme les îles par exemple. Ces zones ne peuvent pas bénéficier de l’électricité produite par une centrale nucléaire en métropole, et le gaz y est difficilement transportable. Traditionnellement leur mix électrique est donc fortement composé de pétrole, très polluant. Pour les ZNI, le meilleur moyen de conserver un réseau stable tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre du réseau est donc de développer le stockage local.

Depuis 2014 dans la plus petite île des canaries, el Hierro, un système hybride Eolien-STEP a été mis en place pour subvenir aux besoins de ses 10 000 habitants et des 60 000 touristes annuels de l’île.  Ce modèle est à la fois bon d’un point de vue environnemental, et pourrait permettre aux ZNI, historiquement très dépendantes du prix du pétrole, d’accéder à une plus grande autonomie financière.

Limites des STEP

À la lumière des avantages que présente cette technologie face au défi climatique, il convient de s’interroger : Pourquoi les politiques, investisseurs et médias ne semblent pas ou peu intéressés par les STEP ?

Il existe plusieurs raisons à cela :

La petite hydro n’intéresse pas le secteur public

Tout d’abord, il existe dans l’hydro-électricité une division importante entre la petite et la grande hydro-électricité. L’État français a historiquement énormément investi dans la grande hydro, laissant les plus petites centrales de moins de 10 MW à l’investissement privé. Cette décision, probablement due à des questions d’économies d’échelle dans la gestion des centrales, est exacerbée sur la technologie STEP. Il n’existe en France que 6 grosses centrales STEP, toutes propriété      d’EDF. Pour les centrales de cette taille, il n’existe plus de gisement non-exploité en France, ce qui limite l’intérêt d’EDF pour cette technologie.

Le modèle économique des STEP n’est pas assez rentable (pour l’instant)

Pour les petites STEP, on pourrait donc s’attendre à ce que des investisseurs privés aient un rôle dans leur développement, comme ils ont pu l’avoir pour les petites centrales hydro-électriques standards. Se pose alors le problème majeur des STEP, à savoir leur modèle économique. Les actifs hydro-électriques sont globalement très demandant en investissement initial, et possèdent une durée de vie extrêmement longue (>100 ans). Cependant, leur taux de retour sur investissement est faible, autour de 4% en France. Cela signifie qu’un investissement est rentable à partir de 25 ans, un horizon de temps très long pour les modèles d’investissement actuels.

Cet horizon temporel lointain de retour sur investissement s’applique également aux STEP, qui ne produisent pas d’énergie      à proprement parler. Comme tout outil de stockage, elles créent de la valeur économique grâce aux différences en temps réel du prix de l’électricité, dit prix SPOT. Ces centrales achètent de l’électricité à bas coût en heures creuses, et la revendent en heures de pointe à une valeur plus élevée. La forte proportion du nucléaire dans le mix électrique français par rapport aux énergies non-pilotables permettant une volatilité faible de ce prix SPOT, la rentabilité de ce mécanisme en est donc affectée.

La croissance de la part de solaire et d’éolien dans le mix électrique pourrait accentuer cette volatilité, et rendre ce type d’actif plus rentable.

Les investissements sur temps long demandent de la confiance

Nous l’avons évoqué plus tôt, les actifs hydro-électriques sont des investissements rentables sur le long terme. Les investisseurs qui placent leur argent dans ce type d’actifs doivent donc avoir confiance en la rentabilité de leur investissement. Celle-ci ne doit pas s’écrouler du jour au lendemain, du fait notamment d’un changement de politique publique.

Or, les politiques publiques concernant l’énergie évoluent, selon le bord politique du Gouvernement en place. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui définit la feuille de route énergétique du pays, est modifiée tous les 5 ans. Pire, elle n’est qu’indicative d’une stratégie et en aucun cas contractuellement engageante pour des investisseurs qui voudraient anticiper les changements à venir du mix électrique. Il est donc trop risqué pour les investisseurs de parier sur un investissement d’une telle ampleur temporelle, qui miserait sur l’augmentation des énergies renouvelables sur les 20 prochaines années.

Limites de stockage

Le stockage d’électricité de manière générale est très utile pour pallier les différences entre les pics et les creux de demande au cours d’une journée, voire d’une semaine. Cependant, pour des variations saisonnières fortes, aucun système de stockage ne saurait suffire à compenser les différences à la fois d’offre et de demande.

La demande, tout d’abord, est dépendante de la saison, et compenser une augmentation de 20% de la consommation électrique Française entre un jour d’hiver et un jour d’été demanderait 263 GWh soit 1,4 fois la quantité d’énergie stockée par les STEP françaises à leur plein.

Si le stockage est utile et nécessaire à la stabilité du réseau, il ne sera peut-être pas suffisant dans un monde 100% renouvelable.

Acceptation des projets

L’introduction de nouveaux projets hydrauliques, qui plus est avec barrage, rencontre aussi des difficultés d’acceptation des populations et de l’administration. Deux raisons à cela : l’altération du paysage visuel et sonore et l’impact écologique. En effet, comme tout actif énergétique, les STEP ne sont pas sans conséquences sur leur environnement. La création de lacs artificiels en amont et en aval de la centrale provoque  des inondations qui modifient les habitats naturels de la faune locale.


L’abandon des énergies fossiles est nécessaire à une transition énergétique aboutie. Pour ce faire, toutes les pistes pour augmenter la capacité de stockage doivent être poursuivies pour compenser l’intermittence de l’éolien et du solaire. L’hydraulique a son rôle à jouer dans ce contexte, et pour lui donner la place qu’il mérite un changement devra s’opérer, soit dans la planification des investissements et les horizons de temps considérés pour celle-ci, soit dans les méthodes de rémunération de l’électricité.

PAR BARTHÉLÉMY MARAVAL

Notes et sources

1. Xxx
2. Xxx

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Pour accélérer le déploiement de la nature en ville, la végétalisation des toitures apparaît comme l’une des pistes les plus efficaces et prometteuses. Le mouvement de la végétalisation des bâtiments est en croissance. Rien qu’à Paris, on compte déjà 44ha de toitures végétalisées et 80ha1 de toitures terrasses présentant un fort potentiel de végétalisation. A cela s’ajoute plus de 380ha de toitures plates disponibles qui pourraient, moyennant des adaptations, offrir un environnement propice à leur déploiement. Cet exemple parisien est loin d’être une exception. Il est un exemple du potentiel encore non exploité dans les villes pour végétaliser des toits et, par la même, apporter fraicheur, biodiversité, beauté et décarbonation aux villes partout en France. Voici, en bref, un condensé des bénéfices de tels projets, des modalités pratiques de leur déploiement et des recommandations que nous formulons.

Nature en ville : pour une reconquête citoyenne de la biodiversité urbaine ! Découvrir la note réalisée par le think et do tank Parti Civil.

Les bénéfices de la végétalisation des toits

La végétalisation des toitures présente en ville, divers bénéfices qui en font un atout majeur de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité.

  • Bon pour la biodiversité – Elle est en effet avant tout un atout pour la biodiversité, car elle crée des refuges pour la faune et la flore, dans des environnements souvent hostiles. Rappelons que les espèces animales sont de plus en plus menacées, à commencer par les insectes, dont la disparition menace la population d’oiseaux. C’est donc tout un écosystème qui est mis en difficulté.
  • Bon pour les écosystèmes – La végétalisation des toits présente un avantage encore plus global, celui de créer de véritables écosystèmes en ville, y compris l’apparition d’espèces exogènes. Ces toitures sont capables de créer des liens entre les différents espaces naturelles, elles permettent ainsi de mêler la ville et la nature, l’humain et la biodiversité. L’étude GROOVES (Green ROOfs Verified Ecosystem Services)2, par l’Agence Régionale de Biodiversité, montre qu’à Paris, sur plus de 400 espèces de végétaux identifiées sur les toits, 70% étaient apparues spontanément et que plus de 600 espèces d’animaux ont été identifié sur les toits, de manière très bien répartie. Toute la chaine alimentaire a pu se développer, comme dans un réel écosystème (insectes, araignées, invertébrés…).
  • Bon pour la fraîcheur – Même si ces toitures ne peuvent se substituer aux parcs et aux arbres, elles en sont un complément majeur puisqu’elles permettent de rafraichir la ville localement, par évapotranspiration. Or, par une journée ensoleillée de 26°C (à l’ombre), un toit exposé au soleil peut atteindre une température de 80°C si sa couleur est foncée, 45°C si sa couleur est blanche et seulement 29°C s’il est recouvert de végétaux. On peut estimer l’écart de température ressenti dans une ville à -0,5°C en moyenne, pouvant atteindre -2°C.3
  • Bon pour le stockage de carbone – Un toit végétalisé peut réduire le CO2 de l’atmosphère, grâce au stockage du carbone permis par la photosynthèse, et les microparticules.
  • Bon pour l’isolation des bâtiments – Dans le cas notamment de bâtiment mal isolés, la végétalisation des toits représente un réel atout pour mieux isoler les logements, quand on sait le rôle premier des toitures dans les pertes d’énergie (-30%).
  • Bon pour la rétention de l’eau de pluie – Les toits végétalisés représentent un atout majeur par rapport aux toits artificiels, notamment pour les gestionnaires des collectivités qui font face à des problématiques de ruissellement dans des zones denses et souhaitent capter les pluies.  L’étude GROOVES estime qu’à partir de 6cm, les toitures végétalisées sont capables de retenir une pluie courante en Ile-de-France, et qu’à 30cm, le toit est capable de retenir une pluie décennale, c’est-à-dire de plus d’une centaine de litres au mètre carré.
  • Bon pour le bien-être en ville – Il est démontré que la nature réduit durablement le stress et améliore le bien-être. « Le spectacle de la nature est toujours beau ». (Aristote)

Terminons ici par quelques fausses idées. Pour commencer, les études ont montré que la végétalisation des toitures ne mènera pas au déploiement d’insectes dangereux pour la santé. Les chercheurs de l’étude GROOVES n’ont identifié aucun cas en Ile-de-France d’espèces nuisibles qui se seraient installées. Insistons sur le fait que la toiture végétalisée ne représente rien d’autre que des ilots de nature en ville, la même nature qui peut exister sur le reste du territoire. De plus, il est erroné de penser qu’une toiture végétalisé ne tient pas dans le temps. Certaines vivent très bien plus de 50 ans avec une quasi absence d’entretien. Enfin, il ne faut pas s’imaginer cela comme un montage complexe qui nécessite un entretien permanent.

Conseils pratiques pour végétaliser les toitures

Pour commencer, le processus de végétalisation des toits doit s’attaquer à deux priorités :

  1. D’abord, les collectivités doivent se concentrer sur l’existant, à travers la rénovation des bâtiments. Le neuf est malléable, c’est vrai, mais il ne représente qu’environ 1% des bâtiments chaque année et prend plus souvent en compte ces sujets. Il est primordial de végétaliser l’existant autant que possible.
  2. Par ailleurs, cette politique doit être associée à une lutte contre l’artificialisation des sols. Cela signifie limiter au maximum la construction neuve qui réduit souvent les espaces verts et libres et menace la biodiversité. Bien évidemment, construire du neuf est parfois nécessaire mais, lorsque c’est le cas, il est primordial d’établir de fortes contraintes de végétalisation et de continuité écologique pour ne pas trop perturber les écosystèmes.

Afin de garantir la bonne mise en œuvre du projet, la collectivité ou l’acteur privé en question doit veiller à plusieurs éléments :

  • Réaliser une étude préalable sur la faisabilité d’une telle toiture – Etudier la portance du bâtiment pour voir la profondeur maximale qui est faisable.
  • Faire au plus simple – De nombreux toits sont constitués de diverses couches artificielles, dont du plastique, et de solutions usinées et high-tech prêtes à l’emploi. En plus de rajouter des matériaux artificiels, cela augmente leur bilan carbone, à contre-sens de l’objectif poursuivi. Il faut privilégier des toitures low-tech plus naturelles qui s’inspirent du fonctionnement de la nature. Passons à des techniques de génie écologique (qui collectent de la végétalisation locale pour la « greffer » à des toitures) voire à des toitures wild roof (colonisées par la nature de manière indépendante)
  • Privilégier les toits denses, avec des graminées, et des espèces de plantes différentes, nombreuses et locales. Il est possible de varier les formes, les hauteurs de substrat, les types de plantes, etc. Eviter l’uniformité et la « propreté » permet le développement des écosystèmes. Enfin, la marque « Végétal Local » permet d’identifier des végétaux sauvages et d’origine locale, adaptés à leur territoire.
  • Privilégier une profondeur suffisante de substrat (autour de 30cm), si le bâtiment le permet – De manière plus technique, il faut privilégier les toitures intensives et semi-intensives (substrat de 15-30 cm ou +30cm) à des toitures extensives (6-15cm). Les études montrent que cela est d’autant plus utile lorsqu’il y a une volonté de retenir de grandes quantités d’eau et de favoriser une forte biodiversité de la faune et de la flore. Par ailleurs, un substrat épais et une végétalisation dense favorisent également le rafraîchissement. L’école des Sciences et de la Biodiversité de Boulogne représente, à cet égard, une prouesse.
  • Entretenir faiblement – En plus de bannir les produits phytosanitaires, il faut aller plus loin et essayer tailler le moins possible et de laisser les mauvaises herbes se développer. La seule exception consiste à la coupe des arbres qui se développent car ils endommagent l’étanchéité du bâtiment. En faisant cela, la biodiversité est maximisée et la durée de vie de la toiture aussi. Il reste recommandé de contrôler les plantations de temps à autre de manière à ne pas laisser proliférer les parasites, les insectes et leurs larves au point qu’ils puissent constituer une gêne ou une cause d’insalubrité. Le risque reste très faible.
  • Pour rappel : La végétalisation des toits reste encore rare dans le parc privé à cause de son coût prohibitif. Il faut donc développer des aides en ce sens, qu’elles soient nationales ou locales/régionales. Rappelons que la région Ile-de-France proposait un telle aide par le passé (30%/m²), mais l’a abandonnée, alors que certaines collectivités continuent à en fournir. L’agence de l’eau seine Normandie finance ainsi jusqu’à 70% la végétalisation au titre de la gestion des eaux pluviales.

Recommandations à destination des pouvoirs publics

Forts de ces éléments, nous formulons un certain nombre de recommandations à destination des pouvoirs publics, à commencer par les collectivités territoriales, qui souhaiteraient s’engager sur cette voie :

  • S’engager dans une politique volontariste de végétalisation du parc public, pour chaque bâtiment qui le permet.
  • Développer des aides spécifiques à la végétalisation des toits privés, sous formes de pourcentage de prise en charge par mètre carré ou de somme forfaitaire.
  • Conditionner une partie des aides actuelles pour la rénovation (e.g. MaPrimeRénov) à une étude de faisabilité de la végétalisation des toits et au lancement de tels projets lorsqu’ils s’avèrent faisables.
  • Imposer dans le PLU des contraintes de végétalisation pour les nouveaux bâtiments construits.
  • Imposer de manière plus générale, au niveau de la collectivité, la non-artificialisation nette du territoire.
  • Lancer des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens pour présenter les avantages des toitures et démontrer l’absence de risques.
  • Co-construire avec les citoyens les projets de végétalisation des toitures dans la ville
  • En cas de projets de pose de panneaux photovoltaïques sur les toits, créer des toitures bio-solaires qui mélangent panneaux et végétalisation (e.g. : Bâle, Suisse)
  • Privilégier des plans de déploiement de toitures végétalisées low-tech à faible bilan carbone et utilisant des techniques du génie écologique

Les toitures végétalisées constituent une facette de la nature en ville encore insuffisamment exploitée alors qu’elles génèrent bon nombre de bénéfices. Dans une perspective d’atténuation des effets du réchauffement climatique, de rafraichissement des villes, de préservation de la biodiversité ou encore de rétention de l’eau de pluie, les collectivités locales ont un intérêt majeur à s’engager résolument dans une politique de végétalisation des toits, qui conjuguerait services écosystémiques et bien-être des citoyens.

PAR THÉODORE TALLENT


Pôle Affaires Publiques chez Parti Civil. Mais aussi, étudiant en politiques environnementales à l’université de Cambridge. Biodiversité • Transition juste• Affaires européennes • Solutions fondées sur la nature

Notes et sources

1. APUR (2013). Étude sur le potentiel de végétalisation des toitures terrasses à Paris.
2. Agence Régionale de la Biodiversité en Ile-de-France, (2020). Etude GROOVES.
3. Marry et al. (2020). Adaptation au changement climatique et projet urbain. ADEME

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Il y a 5 ans jour pour jour, le 12 décembre 2015, les discussions de la COP 21, aussi connue sous le nom de Conférence de Paris ou Accord de Paris, prenaient fin. Elles ont permis d’aboutir à un nouvel accord international historique sur le climat. Cet accord, contraignant et applicable à tous les pays, vise à maintenir le réchauffement mondial en deçà du seuil de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels (1850), conformément aux préconisations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

La COP 21 est entrée formellement en vigueur le 4 novembre 2016 et est désormais ratifiée par 187 Parties (dont les 28 de l’Union européenne) représentant 96,98% des émissions1.

Concrètement, que contenait cet accord en termes d’engagements climatiques ? Les États ont-ils respecté leurs engagements ? Ces engagements sont-ils compatibles avec les scénarios 1,5°C et 2°C ? Quels sont les risques si les États venaient à manquer leurs engagements ?


Quels étaient les enjeux et les objectifs de la COP 21 ?

Une COP est une conférence internationale sur le climat qui réunit chaque année des pays signataires de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). Lors de la COP 21, en 2015, les 197 membres, aussi appelés parties à la négociation, se sont engagés à formuler des stratégies de développement à faible émission de gaz à effet de serre (GES) sur le long terme. Si des accords similaires avaient déjà été conclus en Europe, notamment dans le cadre du “Paquet climat-énergie 2020”2, celui-ci est le premier au niveau mondial à lutter directement contre le réchauffement climatique de manière contraignante. Les membres signataires se sont en effet engagés à respecter les objectifs contraignants qu’ils ont eux-mêmes définis, par opposition à des objectifs globaux qui auraient pu être imposés par la communauté internationale.

Un accord international qui prend en compte les différences des États signataires

L’accord reconnaît une responsabilité partagée mais différenciée des États. En d’autres termes, l’accord prend en compte les capacités relatives de chaque État à lutter contre le réchauffement climatique mais également les contextes nationaux différents. En effet, si la Chine est l’un des pays les plus émetteurs, cela n’a pas toujours été le cas. L’Europe et les États-Unis sont à date, les 2 plus gros émetteurs de CO2 en cumulé depuis le 18ème siècle et ont donc une responsabilité différente du fait de leur responsabilité passée3

Graphique représentant les émissions de CO2 des membres de la COP 21 (ou Accord de Paris).

Un accord qui prend en compte les questions de justice climatique

Une autre spécificité de cet accord est la notion de justice climatique. Les 197 membres n’ont pas tous le même niveau de développement. En particulier, les pays en voie de développement n’ont pas la même capacité que les pays les plus développés à développer des solutions technologiques efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique. De ce fait, les pays les plus développés se sont engagés à apporter des financements pour aider les pays en voie de développement, à hauteur de 100 milliards de dollars par an, mais aussi à assurer un transfert de technologie afin de permettre à tous les pays de disposer des solutions nécessaires pour décarboner leur économie.

Un accord dynamique qui a vocation à réhausser les objectifs climatiques

Enfin, l’accord est défini comme dynamique dans le sens où les pays doivent revoir leurs engagements à intervalle régulier et renforcer leurs engagements en termes de réduction des émissions. Aussi, si l’objectif officiel est de limiter l’augmentation moyenne de la température en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, les pays sont vivement encouragés à poursuivre leurs efforts afin de contenir le réchauffement climatique aux alentours de 1,5°C. En pratique, l’Accord de Paris prévoit que chacun des pays revoie tous les cinq ans ses engagements pour poursuivre l’effort de diminution de ses émissions de GES.

Afin de s’assurer que les pays augmentent continuellement leurs efforts dans la lutte contre le dérèglement climatique, chaque nouvelle contribution déterminée au niveau national devrait intégrer une progression par rapport à la précédente. Cependant, l’accord en lui-même et l’atteinte de l’objectif des 2°C ne sont pas contraignants juridiquement, seuls les Nationally Determined Contributions4 (NDC) le sont. Les pays ont donc été libres de fixer eux-mêmes leurs engagements nationaux et ce sont uniquement ces NDC qui sont contraignants. Le problème étant qu’à l’heure actuelle, les objectifs fixés dans les NDC ne permettent pas d’atteindre les 2°C. C’est l’une des critiques principales de l’accord car de nombreuses ONG pensent que certains pays ne feront pas suffisamment d’efforts pour atteindre puis rehausser leurs objectifs.

L’accord en lui-même et l’atteinte de l’objectif des 2°C ne sont pas contraignants juridiquement, seuls les Nationally Determined Contributions4 (NDC) le sont. Le problème étant qu’à l’heure actuelle, les objectifs fixés dans les NDC ne permettent pas d’atteindre les 2°C.

Les objectifs

Selon les données du GIEC, il faudrait que les émissions mondiales baissent de 40% à 70% d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 2010) et atteindre une économie neutre en carbone durant la deuxième partie du XXIe siècle, idéalement dès 2050, pour limiter le réchauffement climatique à une hausse de température de 2°C à l’horizon 2100. Chaque région du monde ayant des responsabilités et des situations différentes. 

Pour rappel les principaux émetteurs en 2012 étaient la Chine, les États-Unis et l’Europe.

Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde sont la Chine (23,75% des émissions des GES), les Etats-Unis (12,1% des émissions des GES) et l'Europe (

Les objectifs de ces 3 régions du monde qui comptent pour près de 45% des émissions de GES mondiales suite à l’Accord de Paris étaient les suivants :

  • La Chine prévoit d’atteindre son pic d’émissions en 2030, même si elle ambitionne de l’atteindre avant, de produire 20% de son énergie à partir de sources d’énergie bas-carbone à l’horizon 2030 et de diminuer ses émissions de CO2 par unité de PIB de 60 à 65% par rapport au niveau de 2005 à l’horizon 2030. 
  • Les États-Unis prévoyaient avant leur sortie de l’accord de diminuer leurs émissions de GES de 26 à 28% par rapport au niveau de 2005 à l’horizon 2030.
  • L’Europe a décidé de fixer l’objectif de réduction des émissions de 40% par rapport au niveau de 1990 à l’horizon 2030 dans son “Cadre d’action en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030”6.

5 ans plus tard, où en est-on ?

Chine

La Chine devrait respecter à la fois son engagement pour 2020 et ses objectifs en matière de NDC, malgré l’augmentation des émissions à moyen terme. Le précédent négociateur principal de la Chine sur le climat, Xie Zhenhua, avait exprimé l’opinion que la Chine pourrait atteindre ses objectifs de 2030 de manière précoce. Ces résultats ont été confirmés dans de nombreuses études ce qui laisse penser que la Chine devrait effectivement réussir à atteindre son pic d’émissions avant 2030, possiblement autour de 20257. Climate Action Tracker, un organisme indépendant qui suit l’action des gouvernements quant au respect de l’Accord de Paris, confirme que la Chine est également susceptible d’atteindre sans risque son objectif d’intensité carbone (quantité de GES émis par unité de production d’énergie) de 20308.

La raison principale est que l’objectif affiché par la Chine dans son NDC n’est pas compatible avec un scénario 1,5°C mais plutôt un scénario 3°C ou 4°C. Les récentes déclarations laissent cependant espérer que la Chine devrait rehausser ses objectifs et s’afficher comme un nouveau leader dans la lutte contre le dérèglement climatique9. La Chine reste le 1er émetteur au niveau mondial mais possède des géants mondiaux dans les secteurs des énergies renouvelables, du nucléaire, des véhicules électriques, etc. Une politique écologique volontariste permettrait à la Chine d’afficher un plan climat à la hauteur des enjeux, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

L’objectif affiché par la Chine dans son NDC n’est pas compatible avec un scénario 1,5°C mais plutôt un scénario 3°C ou 4°C.

États-Unis

Les États-Unis devraient voir leurs émissions baisser de 20 à 21% par rapport au niveau de 2005 à l’horizon 2020. Si les États-Unis étaient restés dans l’Accord de Paris, ils auraient pu atteindre leurs objectifs de 26 à 28% de réduction de GES par rapport au niveau de 2005 à l’horizon 2030, principalement en raison du Covid et de la réduction des émissions liées à la production d’électricité (grâce à un moindre recours aux centrales à charbon)10.

Le problème des États-Unis n’est pas tant leur capacité à atteindre les objectifs de la NDC que leur volonté de rehausser les objectifs afin qu’ils soient compatibles avec les scénarios 1,5°C. Si tous les pays suivaient l’approche des États-Unis, le réchauffement climatique pourrait atteindre 3°C. La perspective d’un changement de cap avec l’élection de Joe Biden qui va faire réintégrer aux États-Unis l’Accord de Paris est néanmoins prometteuse. Le plan de relance qui sera voté suite à son élection devrait faire la part belle aux énergies renouvelables et aux technologies permettant une baisse des émissions de CO2 (véhicules électriques, rénovation thermique). Pour autant, ces investissements ne seront pertinents que s’ils s’inscrivent dans un objectif de réduction des émissions de GES plus ambitieux que celui qui avait été voté en premier lieu.

Le problème des États-Unis n’est pas tant leur capacité à atteindre les objectifs de la NDC que leur volonté de rehausser les objectifs afin qu’ils soient compatibles avec les scénarios 1,5°C.

Europe

L’Union Européenne, à travers son Cadre d’action en matière de climat et d’énergie d’ici à 2030, prévoit de réduire ses émissions de CO2 de 40% par rapport au niveau de 1990 à l’horizon 2030. Si cet objectif devrait être atteint, il reste très loin de l’objectif de 65% qui permettrait à l’Europe d’avoir des objectifs qui seraient compatibles avec l’Accord de Paris.

L’Union Européenne a bien compris que l’objectif initial de 40% n’est pas assez ambitieux et c’est la raison pour laquelle la présidente de la Commission européenne vient de valider un nouvel objectif de 55%. Cela permettra à l’Union Européenne de s’afficher comme la région du monde leader de la transition écologique. À court terme, ce nouvel objectif de 55% devrait ouvrir la voie à une nouvelle révision des objectifs qui cette fois-ci, s’ils atteignent 65%, pourraient être compatibles avec l’Accord de Paris. Bien sûr, il faudra que l’Union Européenne ne se contente pas d’afficher l’objectif de 55%, ou de 65%, mais mettent effectivement des actions en place afin d’avoir une cohérence entre ses déclarations d’intentions et les actions effectivement menées.

1,5°C ou 2°C, quelle différence ?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évoquait dès 2014 dans son rapport les différences entre les scénarios 1,5°C et 2°C : “Ces différences consistent notamment dans l’augmentation de la température moyenne dans la plupart des régions continentales et océaniques, des extrêmes de chaleur dans la plupart des zones habitées, des épisodes de fortes précipitations dans plusieurs régions et de la probabilité de sécheresses et de déficits de précipitations dans certaines régions”11.

Si le réchauffement planétaire est de +2°C (au lieu de 1,5°C), le niveau de la mer sera en hausse de 10 cm, impactant

Pour prendre quelques exemples concrets :

  • Un réchauffement planétaire de 2°C entraînerait une hausse du niveau de la mer environ 10 cm supérieure à celle du scénario 1,5°C. Ces 10 cm représentent 10 millions de personnes directement impactées qui devront potentiellement être déplacées.  
  • Un réchauffement planétaire de 2°C entraînerait une perte de l’aire de niche climatique pour 9,6% des insectes, 8% des plantes et 4% des vertébrés contre 18% des insectes, 16% des plantes et 8% des vertébrés dans le scénario 1,5°C.
  • Il ne devrait y avoir qu’un seul été arctique sans glace de mer par siècle en cas de réchauffement planétaire de 1,5°C. Cette fréquence passe à au moins un été par décennie en cas de réchauffement planétaire de 2 °C.
  • La limitation du réchauffement à 2°C plutôt qu’à 1,5°C pourrait, à l’horizon 2050, augmenter de plusieurs centaines de millions le nombre de personnes exposées aux risques liés au climat et vulnérables à la pauvreté.

Cette liste, loin d’être exhaustive, n’est malheureusement qu’une très courte présentation des différences majeures entre les scénarios 1,5°C et 2°C, qui pour l’instant sont loin d’être atteignables si l’on se réfère aux objectifs affichés dans les NDC.

Ce bref aperçu permet néanmoins de comprendre qu’un réchauffement climatique à 2°C aura des conséquences bien plus importantes qu’un réchauffement climatique à 1,5°C, d’où la nécessité pour les membres signataires de l’Accord de Paris de viser des émissions de CO2 compatibles avec le scénario 1,5°C.

Si seulement nous avions le “luxe” de choisir entre 1,5°C et 2°C…

Alors que tous les scientifiques alertent sur l’état d’urgence climatique dans lequel nous sommes, la tendance actuelle ne nous permettrait même pas d’atteindre le scénario 2°C. Selon le GIEC, les activités humaines ont déjà provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1°C au-dessus des niveaux préindustriels et il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052 s’il continue d’augmenter au rythme actuel. Sans un effort de réduction drastique, le chemin tracé conduit à une hausse de 3,7°C à 4,8°C , d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle.

Il existe pour autant des solutions pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, cela passe notamment par :

  • Une réduction importante dès maintenant des émissions mondiales ;
  • Un déploiement à large échelle de l’ensemble des technologiques de réduction des émissions (énergies bas-carbone, mobilité douce, bâtiments faiblement consommateurs d’énergies, technologies de stockage et capture du CO2, etc) ;
  • Un basculement vers de nouveaux modes de vie plus sobres et climato-compatibles.

Sans un effort de réduction drastique, le chemin tracé conduit à une hausse de 3,7°C à 4,8°C , d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle.


Malheureusement, les freins à la lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas tant technologiques que politiques. Tous les groupes de pays tentent de préserver au mieux leurs intérêts. Les pays en voie de développement ne souhaitent pas renoncer à leur croissance qui est malheureusement inexorablement liée à une hausse des émissions. Les pays les plus développés ne sont pas encore prêts à accepter les efforts nécessaires tant du point de vue des enjeux climatiques que de leur contribution passée aux niveaux d’émissions actuelles. Par exemple, il n’est pas anodin que la Chine ait fixé avant tout des objectifs de réduction de CO2 par unité de PIB et non en valeur absolue, ce qui lui permet d’avoir une croissance moins émettrice, mais une croissance quand même, à la fois du PIB et des émissions de CO2.


Agir maintenant pour ne pas le regretter plus tard

La COP 21 a été une avancée majeure si l’on se réfère aux échecs des sommets internationaux précédents. Avant l’Accord de Paris, le réchauffement climatique à l’horizon 2100 devaient atteindre entre 4°C et 6°C. Après l’Accord, les objectifs fixés par les membres signataires devraient le limiter dans le « meilleur » des cas à 3,7°C si les objectifs des NDC sont respectés et non rehaussés. Dans la mesure où le principe même de l’Accord de Paris repose sur un processus itératif contraignant, nous pouvons être relativement confiant quant à l’obligation des membres à rehausser leurs objectifs. La question principale étant : est-ce que les nouveaux objectifs s’inscriront enfin dans un scénario 1,5°C ?

Pour finir, il est important de rappeler que la communauté scientifique a donné tous les éléments aux états, entreprises et citoyens pour qu’ils prennent les actions nécessaires afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Plus que jamais, il est l’heure d’avoir moins de discours et plus d’actions !

Portrait de Clément Limare, Responsable Etudes et Publications chez Parti Civil.

PAR CLÉMENT LIMARE


Pôle Publications et Etudes chez Parti Civil. Mais aussi, analyste en stratégie pour un industriel français de l’énergie. Prise de conscience du changement climatique Création d’un monde bas-carbone Transition énergétique Transition agricole.

Notes et sources

1. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat-et-environnement/la-lutte-contre-le-changement-climatique/la-conference-de-paris-ou-cop21/
2. https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_fr
3. https://ourworldindata.org/contributed-most-global-co2
4. Contributions déterminés au niveau national en français
5. https://www.carbonbrief.org/paris-2015-tracking-country-climate-pledges
6. https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2030_fr
7. Gallagher et al., 2019 ; Green & Stern, 2016 ; Wang et al., 2019 ; Xu et al., 2018
8. https://climateactiontracker.org/countries/china/current-policy-projections/
9. https://www.latribune.fr/economie/international/neutralite-carbone-en-2060-l-objectif-de-la-chine-est-il-realiste-857966.html
10. https://climateactiontracker.org/countries/usa/fair-share/
11. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf

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Parti Pris, c’est un espace libre. Chaque article est une prise de position de la personne qui le rédige, qu’elle soit membre de Parti Civil ou invitée.

En 2017, chaque Français produisait en moyenne 580 kilos de déchets par an1. Un chiffre au-dessus de la moyenne européenne située à 487 kg par personne. Les biodéchets, qui représentent les déchets alimentaires et autres déchets naturels biodégradables représentent à eux seuls un tiers2 du volume de nos poubelles.  Or ces ordures sont encore aujourd’hui déplacées hors des centres-villes, pour enfouissement ou incinération, conduisant à des pollutions diverses du sol et de l’air, mais également à un gaspillage énergétique. Leur bonne gestion peut à l’inverse permettre une valorisation pertinente en les réintroduisant en tant que ressource d’une économie circulaire. Le tout permettrait aux collectivités une maîtrise des coûts dans la gestion des ordures ménagères, tout en favorisant le développement plus durable des territoires.


Gouverner les déchets : une mise en perspective historique 

Vers une gestion territorialisée des déchets : la mise en place de principes structurants

Jusqu’alors composé de mesures éparses, notre système de gestion des déchets a été uniformisé dans les années 1970. En 1975, une loi lui est consacrée et oblige en effet les communes à mettre en place des systèmes de collecte et d’élimination des déchets. Près de vingt ans plus tard, en 1992, ce texte est complété par une nouvelle loi qui inscrit formellement les principes structurants de la gestion des déchets : celle-ci instaure en effet le principe de « proximité » et des objectifs de « valorisation »  des déchets. Le respect de ces principes impose de traiter les déchets au plus près de leur lieu de production, de manière à en récupérer d’autres produits, de nature matérielle ou énergétique. 

Au cours des années 2000, la politique des déchets est marquée par un renforcement des objectifs en matière de « recyclage » et de « prévention » des déchets. Ces impératifs témoignent de l’importance nouvelle qui est accordée à la « valorisation matière»  et en amont, à la nécessaire réduction de la quantité de déchets produits. En 2008, une directive européenne instaure ainsi une hiérarchie des modes de traitement des déchets qui consiste à privilégier dans l’ordre, après la prévention : le réemploi, la valorisation matière (qui inclue le recyclage), la valorisation énergétique et, en tout dernier ressort, la mise en décharge des déchets. Au niveau national, les impératifs en matière de « réduction » et de « recyclage » sont réaffirmés par les lois Grenelle I et Grenelle II en 2009 et 2010 qui pour la première fois fixent des objectifs chiffrés en la matière. Ces objectifs sont encore renforcés en 2015, par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui par ailleurs prévoit la mise en place de collecte séparée des biodéchets afin d’assurer leur valorisation sous forme d’énergie ou de biogaz.

Que dit la réglementation sur le traitrement des déchets ? Il existe 5 modes de traitements : la prévention (pour éviter de produire des déchets), le réemploi (pour donner une seconde vie), la valorisation matière (recyclage), la valorisation énergétique (pour produire de l'énergie grâce à l'incinération), la mise en décharge.

Les notions de « valorisation » et de « proximité » : des notions floues qui entraînent diverses interprétations au niveau local 

Dans les faits, la mise en place des premières lois relatives à la gestion des déchets s’est traduite par la généralisation du recours à l’incinération, qui permet de « valoriser » les déchets sous forme d’énergie. Le mouvement « Zero Waste » est né en Europe au début des années 2000, s’opposant à la (re)construction systématique de tels équipements et plaidant en faveur d’un changement de perspective dans les mentalités et les pratiques. En France, il a donné lieu à une association du même nom, qui possède par ailleurs de nombreux groupes locaux sur l’ensemble du territoire national. 

Le mouvement « Zero Waste » conteste la vision hygiéniste sur laquelle les premières lois relatives à la gestion des déchets se sont fondées. Visant à lutter contre l’insalubrité et protéger la population du développement de maladies potentielles, la généralisation des systèmes de collecte a en effet donné lieu à l’exportation des déchets en dehors de la ville, dans des banlieues souvent défavorisées. Cette tendance aurait conduit à l’illusion vaine de la possibilité de faire disparaître les déchets (en les brûlant notamment), en faisant souvent oublier les impacts sanitaires et environnementaux que ces procédés de traitement pouvaient faire peser (liés notamment à l’émission de gaz à effet de serre).

A la place, ce mouvement plaide en faveur de la mise en œuvre rigoureuse des objectifs établis par les nouvelles lois relatives à la gestion des déchets. L’approche ainsi développée suppose dès lors de sortir « du déni de l’existence du déchet pour constater son omniprésence » et doit conduire à un rapprochement avec celui-ci, obligeant chacun à « à le garder près de nous, à le regarder, à le toucher, à le manipuler, à laver les emballages, à se mettre en scène dans l’activité du tri »3.

La persistance de conflits liés à la construction ou reconstruction d’équipements de traitement des déchets semble témoigner du maintien de deux approches opposées en matière de traitement des déchets. Les équipements technologiques proposés par de nombreuses collectivités et exploités par des grandes entreprises industrielles sont souvent vus par les représentants associatifs comme des « solutions de facilité » très coûteuses, qui engagent les générations à venir et mettent en échec les diverses politiques nationales en faveur du développement de la prévention et du recyclage.

Vers une meilleure gestion des biodéchets

La nécessaire mise en place du tri à la source

Constitués des déchets alimentaires et des autres déchets naturels biodégradables, les biodéchets représentent encore près de 30% de la poubelle « verte » ou « grise », poubelle « fourre-tout » qui rassemble l’ensemble des déchets non triés. La plupart du temps, ces déchets sont directement envoyés à l’incinérateur, voire en décharge dans le pire des cas. D’un point de vue écologique, l’incinération des biodéchets est un quasi non-sens car elle revient à… brûler de l’eau4. Le pouvoir calorifique des biodéchets est ainsi bien inférieur à la dépense d’énergie nécessaire pour alimenter le four de l’incinérateur. Au contraire, leur retrait doit permettre un amaigrissement considérable de la poubelle et devrait permettre de diminuer considérablement les besoins en incinération, qui comporte par ailleurs des risques de pollution.

Le tri des biodéchets est nécessaire à la source : 30%, c'est la part de déchets alimentaires et biodégradables présents dans notre poubelle alors qu'ils pourraient être triés séparément.

Le tri mécano-biologique (TMB) : une fausse bonne idée

Proposé afin d’extraire mécaniquement les déchets alimentaires du reste des ordures, le « tri-mécano biologique » s’est développé ces vingt dernières années. Il est présenté comme une solution écologique qui permettrait en outre la valorisation sous forme de compost et de biogaz. 

Reposant sur le tri en aval des biodéchets (une fois la collecte réalisée), le TMB s’oppose néanmoins dans son principe à la loi de la transition énergétique, qui prévoit la généralisation du tri à la source des biodéchets d’ici 2025. Contaminé par les nombreux polluants qui se retrouvent dans nos ordures ménagères, le compost réalisé à l’issue de ces opérations de tri ne trouve pas de débouchés et est souvent directement mis en décharge. L’utilisation des déchets issus de ces installations pour la fabrication de compost ne sera d’ailleurs plus autorisée à partir de 2027 en France. 

Le tri à la source : des réticences, mais des expériences réussies

Le tri à la source des biodéchets soulève quant à lui certaines inquiétudes concernant sa possible mise en place, notamment dans l’espace urbain, du fait notamment d’une implication moindre des locataires, de possibles erreurs dans la réalisation du tri, des espaces insuffisants ou des mauvaises odeurs. 

Ces interrogations sont compréhensibles et une bonne gestion des biodéchets nécessite effectivement le respect de certaines règles de base. Cependant, si les citoyens ont su s’approprier les règles du recyclage, il ne fait pas de doute qu’avec une communication bien menée, le tri des biodéchets sera rapidement maîtrisé. Il existe d’ores et déjà de nombreuses ressources pour accompagner les particuliers à la mise en place d’une collecte séparée, comme le site biodechets.org. Le tri peut également se faire de manière partagée afin de mutualiser la gestion associée à une collecte séparée. Le site « je composte en ville »  recense par exemple les initiatives près de chez soi. 

L’implication des citoyens dans la gestion de leurs déchets revêt un autre intérêt – il améliore les comportements sur la production de déchets. Une étude menée par l’Ademe (l’Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a montré que lorsqu’un système de collecte des biodéchets était mis en place, le gaspillage alimentaire diminuait de 15% en moyenne. Comme le dit Thibault Turchet, juriste de l’association Zero Waste, « Lorsque les gens ne mettent pas le nez dans les ordures, ils ne changent pas leur comportement et continuent de gaspiller les denrées alimentaires ». Ainsi, plutôt que de craindre de mauvais comportement de tri, il est nécessaire de promouvoir la responsabilisation du citoyen sur la production et le traitement de ses déchets. Celle-ci passe également par la mise en place éventuelle de nouveaux systèmes de financement de la collecte des déchets, et notamment de la « tarification incitative », qui consiste à faire payer les citoyens en fonction de la quantité de déchets qu’ils produisent. Un rapport de l’Ademe montre d’ailleurs que l’association des deux systèmes (collecte séparée et tarification incitative) a un effet notable sur la baisse de production d’ordures ménagères5.

Dans de nombreux pays d’Europe (Allemagne, Italie, Espagne, Belgique …), des expériences “grandeur nature” ont été menées et ont permis de confirmer les effets positifs d’une collecte séparée des biodéchets. Elles montrent qu’une communication efficace de la part des pouvoirs publics sur ce type de projets était un facteur clé de succès du projet. La ville de Parme6 en Italie figure parmi les exemples à suivre. La ville a réduit sa production totale de déchets de 15% et a fait drastiquement baisser la part de déchets individuels (passant de 313 kg/hab/an en 2011 à 126 kg/hab/an en 2015), en instaurant notamment la collecte des biodéchets et la tarification incitative.

La ville de Paris emboite également le pas et se met progressivement à la collecte séparée des biodéchets, aujourd’hui mis en place 2e, 12e et 19e arrondissements. 

La valorisation des biodéchets : un traitement local à privilégier

Afin d’éviter l’incinération ou l’enfouissement des biodéchets, de nombreuses alternatives de valorisation des biodéchets sont possibles via le développement de la production de compost ou d’une filière de méthanisation. La diversité des solutions proposées montre qu’il n’existe pas de recette unique mais une complémentarité des pratiques. 

Le compostage

Grâce au lombricompostage, qui consiste à placer dans un récipient des vers se nourrissant des déchets organiques, il est possible de composter soi-même ses biodéchets, même lorsque l’on ne dispose pas de jardin ou de cour extérieure. A l’échelle du quartier ou au pied de certains immeubles, certaines initiatives peuvent donner lieu à la mise en place de composts partagés, souvent recensés sur le site des villes ou communes. Ces opérations permettent le transport des déchets et le développement des circuits courts. Leur originalité tient à la volonté forte de créer du lien social, en proposant des évènements festifs autour de la production commune de compost.  

Dans d’autres cas, les biodéchets collectés séparément peuvent être acheminés jusqu’à des plateformes industrielles de compostage ou de méthanisation qui sont situées en dehors des villes.

La méthanisation

La méthanisation permet de transformer un déchet en énergie (méthane) et d’obtenir une résidu pouvant servir de fertilisant des sols et des cultures grâce à un phénomène naturel de dégradation dans un milieu sans oxygène. La méthanisation n’est pas sans contraintes7, notamment avec parfois l’impossibilité de réintroduire le gaz dans le réseau.

Mais la principale difficulté est liée à un modèle économique instable. Les industriels souhaitant investir dans ce type d’installations bénéficiaient initialement de subventions importantes permettant de ne pas approfondir la question de la rentabilité de l’énergie produite. 

Afin de générer une quantité suffisante d’énergie et donc de rentabiliser les installations, les substrats utilisés dans l’appareil (et donc les déchets) doivent eux même être assez riches en matière organique. Si l’on prend l’exemple des fèces de bovins parfois utilisés comme intrants, plus une vache est saine, plus son déchet est pauvre en énergie car elle a absorbé tous les éléments au préalable lors de la digestion. Ainsi il est nécessaire pour l’industriel de se tourner vers d’autres types de déchets, comme par exemple les huiles de friture qui vont fortement enrichir le substrat de base du méthaniseur. Initialement, ces déchets étaient récupérés gratuitement mais la demande croissante a instauré un marché du déchet. Ainsi pour bénéficier des meilleurs prix, certains industriels allemands n’hésitent pas à faire venir des semi-remorques d’Espagne remplis d’une huile de friture moins chère. Dans d’autres cas, ce sont des filières entières de culture de maïs, de blé et de betterave qui sont créées pour enrichir les substrats et obtenir une énergie abondante afin de rentabiliser l’installation. Se pose alors la question de la gestion des surfaces de culture et du rendement de l’énergie produite.

Que faire de ses biodéchets ? Faire son compost ou les déposer dans un système de collecte pour qu'ils soient

Prévue d’ici 2025, la collecte séparée des biodéchets représente une opportunité importante afin de faire maigrir nos poubelles et de réduire les pollutions liées aux déchets.  La mise en œuvre d’une telle mesure, accompagnée de réflexions autour de la mise en place des circuits courts de valorisation de nos biodéchets, doit par ailleurs permettre de nombreux bénéfices locaux, dont la baisse des coûts de gestion des déchets ou l’amélioration du cadre de vie. Elle repose sur une implication forte des collectivités locales, qui doivent à la fois impulser et soutenir un changement durable des pratiques et des mentalités en matière de traitement des déchets.

PAR BARTHÉLÉMY MARAVAL

Portrait de Fiona Hutchinson, responsable Etudes et Publications chez Parti Civil.

PAR FIONA HUTCHINSON


Pôle Publications et Etudes chez Parti Civil. Mais aussi, Ingénieure dans l’industrie manufacturière et membre chez CIVIL IMPACT. Responsabilité sociétale des entreprises • Modes de consommations • Alimentation saine et durable

Notes et sources

1. Eurostat
2. Voir le site https://www.ecologie.gouv.fr/biodechets
3. Voir l’article de Cirelli, Claudia, Fabrizio Maccaglia, et Patrice Melé. « L’incinérateur est trop près, la poubelle trop loin » : gérer les déchets en régime de proximité », Flux, vol. 109-110, no. 3, pp. 61-72, 2017, en ligne sur https://www.cairn-int.info/revue-flux-2017-3-page-61.htm
4. Les biodéchets sont en effet composés de 80% d’eau.
5. Voir le site https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude-technico-economique-cs-biodechets-201801-synthese.pdf
6. Voir le site https://www.zerowastefrance.org/publication/parme-zero-waste-4-ans/
7. Voir le site https://www.ademe.fr/expertises/dechets/passer-a-laction/valorisation-organique/methanisation

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